Valérie Pécresse, ministre du Budget, a déclaré, sans détour dans Le Figaro que « la règle d'or protégerait les Français de tous les aléas politiques. C'est une ceinture de sécurité. N'oublions pas que nous allons entrer en campagne électorale, moment de toutes les promesses imprudentes. »
Circulez ! Il n’y a rien à voir ! C’est dit, c’est cash. La « règle d'or » est avant tout un moyen de protéger les citoyens contre leurs néfastes élus. Ainsi, la démocratie (un système qui a priori impose que le pouvoir soit conféré au peuple et à ses représentants) doit être bridée pour que les « aléas politiques » n'affectent pas la vie de la cité.
Quels sont donc ces aléas auxquels faisait référence Valérie Pécresse ? S’agit-il des élections ? Des engagements des candidats ? Ou l’alternance qui guette ?
Si on comprend bien Valérie Pécresse, la politique budgétaire serait devenue une chose trop sérieuse pour être laissée à des gouvernements, fussent-ils responsables devant un parlement. Il faudrait l'encadrer strictement, constitutionnellement.
Il y a dix-huit ans, un tel argument était avancé en France, mais concernait la politique monétaire. Il fallait « retirer le pot de crème de la garde du chat », pour reprendre une expression alors en vogue. En clair, il s’agissait d’empêcher les hommes politiques de « faire tourner la planche à billets », c'est-à-dire de contrôler la création monétaire.
Le Premier ministre Edouard Balladur avait donc fait voter une loi donnant l'indépendance à la Banque de France. Cinquante députés avaient refusé de la voter, pour afficher leur attachement au primat du politique sur les experts.
Les hommes politiques ne sont pas suffisamment sérieux pour piloter l'industrie, nous disait-on en 1986 au moment des grandes privatisations. Ils ne sont pas suffisamment sérieux pour gérer la monnaie, a-t-on décrété en 1993. Ils ne sont pas suffisamment sérieux pour gérer la politique budgétaire, nous dit-on aujourd'hui…
L’ultralibéralisme économique a beau laisser un bilan calamiteux, un monde malade de ses inégalités, il reste triomphant dans les discours des dirigeants.
Et peu à peu, en s'appuyant sur la défiance des électeurs vis-à-vis de leurs élus, on remplace la politique par des règles d'or, l'intervention publique par la « régulation », le gouvernement par la gouvernance, les élus par des « autorités indépendantes »…
Toujours sous la pression des marchés financiers. En 1993, c'était la spéculation sur le franc, aujourd'hui, c'est la spéculation sur les dettes souveraines. Craquement après craquement, loi après loi, bon an, mal an, le pouvoir continue de basculer peu à peu : du politique vers l'économique, de l'élu vers le spéculateur…