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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 20:14

La Banque centrale européenne qui recourt allègrement à la planche à billets pour lutter contre les risques déflationnistes. La Grèce qui, derrière la gauche radicale, rejette l'austérité. L'Europe, une fois de plus, semble à la croisée des chemins. Pour les uns, cette conjonction « d'euro faible et de radicalisme fort » ne fait que confirmer l'inéluctable déclin du Vieux Continent. Pour d'autres, au contraire, ces événements montrent l'entrée de l'Europe dans une nouvelle phase de son histoire et traduisent sa capacité à surmonter toutes les tempêtes, même les plus rudes.

 

Les historiens ne seront-ils pas amenés à parler de l'Europe de demain comme ils parlaient de la Chine d'hier ? Une puissance qui « revient » et trouve dans les racines de son passé les clefs de son réveil. Après plus d'un siècle marqué par la guerre civile et le suicide d'abord, la renaissance à travers la réconciliation (suivie par le doute et l'hésitation) ensuite, l'Europe, parce qu'elle n'avait pas d'autre choix, est enfin repartie. Elle est même sur le point de se donner un avenir, qui, certes, ne sera plus jamais à la hauteur de son passé, mais dont elle n'aura pas à rougir.

 

Qu'en est-il réellement ? L'Europe doit-elle être comparée à une grand-mère stérile et craintive, comme le faisait récemment le pape François, ou à un Phénix renaissant une fois encore de ses cendres ? Il n'existe pas de réponse objective à cette question. Mais nous pouvons trouver dans le regard de l'autre sur nous-mêmes des éclairages utiles, des éléments de réflexion.

 

Comment le monde voit-il l'Europe en ce début d'année 2015 ? Quel est le sentiment dominant : la crainte, l'espoir, le ressentiment ou, plus profondément, l'indifférence pour un continent qui ne représente plus qu'un peu plus de 7 % de la population mondiale ?

 

Ainsi, vue de Chine, l'Europe est à la fois une bonne opportunité, un modèle difficile à suivre, un avertissement historique et politique, la cicatrice d'une humiliation douloureuse et, à l'autre extrême, un musée de l'art de vivre. Investir en Europe, surtout depuis la baisse récente et spectaculaire de l'euro, n'est-il pas toujours plus tentant pour les Chinois, sinon pour les investisseurs du monde entier ? La prise de risque y est moins grande que dans des pays comme le Venezuela ou dans un plus grand nombre de pays du globe. Certes, l'Europe n'apparaît plus comme l'oasis de paix qu'elle semblait être hier. L'irrationalité réelle ou feinte de Poutine, le fanatisme de quelques milliers de jeunes perdus qui entendent donner un sens à leur vie à partir d'une culture de mort (le djihadisme), la montée des populismes, tout cela fait qu'il n'est plus possible d'ignorer le risque géopolitique qu'est redevenue l'Europe. Mais, en termes comparatifs, ces risques ne sont-ils pas secondaires comparés à ceux qui existent sur les territoires de l'immense majorité du reste du monde ? L'Europe n'est pas seulement une bonne affaire, elle est toujours, en dépit d'elle-même et de ses récentes vicissitudes, un modèle sur le plan de la protection sociale et de la santé.

 

Au-delà de la vision de ce qu'est l'Europe aujourd'hui, l'évocation de ce qu'elle a été hier n'a-t-elle pas aussi représenté pour l'Asie le plus profitable des avertissements ? Au lendemain d'une année 2014 particulièrement riche en commémorations historiques, la tension est un peu retombée, en mer de Chine, entre Japonais et Chinois. Tout se passe comme si l'Asie - même si une réconciliation sur le modèle de celle de la France et de l'Allemagne n'est pas à l'ordre du jour - ne voulait pas répéter les erreurs commises par l'Europe.

 

Si l'on passe à l'Amérique, le regard change profondément. L'Europe n'est plus un avertissement, mais un rappel historique, comme un film qui repasserait sous vos yeux en accéléré. La vision, pour des raisons historiques et culturelles, est beaucoup plus proche. Les détails émergent comme sous l'effet d'une loupe grossissante. Et ce n'est plus l'Europe elle-même qui domine, mais ses composantes nationales : Berlin face à ses responsabilités, Paris face au terrorisme, Athènes face au populisme… Moscou face à ses démons.

 

Vue du Sud, l'Europe est le maillon faible de l'Occident pour les salafistes alors que, pour certains Africains qui risquent leur vie pour traverser la Méditerranée, elle demeure un refuge et une espérance. Pour important qu'il soit, le regard de l'autre ne suffira pas à lui seul pour que l'Europe se retrouve. L'audace de Mario Draghi ne peut servir d'alibi à l'absence de véritables réformes susceptibles de simuler cette croissance qui fuit toujours....

 

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  • : Le blog de Hervé-Mélaine AGBESSI
  • : "L'esprit né de la vérité a plus de puissance que la force des circonstances" Albert SCHWEITZER.
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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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