Manuel Valls, qui a brandi sa « fidélité » à sa famille politique, a fait fi de l'ultimatum lancé mardi par Martine Aubry lui sommant de rentrer dans le rang ou de partir.
La position de la première Secrétaire face à ce petit défi n'est pas encore connue. Mais le bon sens veut que le parti socialiste réactive sa boîte à sanctions à l’égard de ceux qui refusent de jouer collectivement dans l’intérêt du parti.
Léon Blum disait : « L’homme libre est celui qui n'a pas peur d'aller jusqu'au bout de sa pensée ».
Ma pensée est donc la suivante : Manuel Valls a franchi la ligne jaune par ses déclarations tapageusement intempestives et faussement novatrices sur la vie du parti socialiste.
« Le PS doit changer de nom, d'idées, ne plus être socialiste, Sarkozy n'a pas toujours tort, je veux des white et des blancos », telles sont quelques unes des rodomontades vociférées par Manuel Valls dans les médias pour marquer son iconoclastie ou sa curieuse appétence à la rénovation. Bien joué ?
Il est, certes, compréhensif qu’un homme politique, surtout à cette ère de délire communicationnel, cherche à exister médiatiquement. Mais cette existence ou connivence médiatique ne doit pas se faire au mépris de l’intérêt du parti qui donne l’investiture. On peut exprimer librement ses opinions, proposer des vrais sujets de réforme ou de rénovation sans pour autant distordre l’esprit de solidarité qui doit animer les membres d’un même parti.
Le rappel à l’ordre de Martine Aubry vient à point nommé car il était temps que le PS indique le chemin de la raison et de la légitime discipline à tous ceux qui auraient encore envie de distiller les petites phrases pour assouvir leur quart d’heure de gloire médiatique.
On peut critiquer le chemin ouvertement médiatique emprunté par Martine Aubry pour tancer Manuel Valls, mais il n’en demeure pas moins que le but poursuivi (c’est-à-dire, mettre un terme aux atteintes cacophoniques et malsaines contre le PS) est louable et fortement appréciable.
Le fait que Martine Aubry soit « mal » élue (avec 102 voix d’avance sur Ségolène Royal) ne donne aucune prime aux discours grognards rompant avec un certain respect des statuts du parti et de sa dignité.
Un pouvoir est faible s'il ne tolère pas qu'on l'avertisse de ses erreurs. Certainement, Martine Aubry avait beaucoup de cartes en mains après le congrès de Reims. Mais elle n'a pas pris, avec l'énergie suffisante, la mesure des choses. Elle aurait dû revoir profondément la gouvernance du PS après Reims. On peut donc valablement lui reprocher des choses sans pour autant basculer dans la fausse rébellion ou dans un cirque médiatique nuisible à l’intérêt du parti et à ses militants.
Oui, les militants. Que vaut Manuel Valls en termes de poids au niveau des militants ? 1%, 2%, 3%, etc… ? Les autres militants en ont certainement marre de le voir squatter les médias pour tirer contre son camp. Est-ce qu’il y pense quand il se rase, vu qu’il s’est déclaré candidat aux primaires ? (moi aussi, je suis candidat, puisque c’est la mode. Et alors ?).
Le militant de base qui s’évertue à coller des affiches, à distribuer bon an mal an des tracts au marché et qui entend dans les médias qu’un membre du bureau national tire à bâtons rompus contre son camp a de quoi se démotiver. Ne parlons même pas du désarroi du sympathisant qui voit ses espoirs partir en fumée à cause des personnes qui ont oublié de défendre des valeurs, des principes, et des idées pour lesquels elles ont été investies par leur parti.
Valls n'a aucun intérêt à quitter le PS aujourd'hui, sauf à devenir dans les jours qui viennent ministre du gouvernement Sarkozy-Fillon. Il attendra la rentrée pour reprendre sa rengaine au lieu de provoquer de véritables débats d’idées. Evidemment. A la grande satisfaction de qui vous savez (Nicolas Sarkozy, bien-sûr…).
A l'arrivée, Aubry sera bien embêtée. Si elle laisse faire, on dira que décidément ses courriers sont comme des papiers jetables. Si elle enclenche la machine à exclure, on dira qu'elle est sectaire. Je vois d'ici les communiqués de Frédéric Lefebvre: « Une fois de plus le PS montre qu'il est devenu une secte intolérante et tournée vers le passé... etc. ».
Avec son courrier, Aubry ne s'offre que deux mauvaises solutions pour résoudre le problème Valls. Le garder sachant qu'il va continuer à faire le jeu de qui vous savez. Le virer, sachant que le PS passera encore pour un parti ringard (faites confiance à une certaine presse pour déplorer l'exclusion du moderne Valls). Dans ces cas là, autant choisir le moindre et ce, le plus vite possible. Dans notre belle société médiatique, un Valls, isolé dans sa mairie d'Evry, devenu inutile pour qui vous savez, n'intéressera plus grand monde, passés les huit premiers jours d'émotion. En clair, si Martine Aubry est cohérente, Valls devrait être éjecté du PS avant la fin de l'automne….Bref, personnellement je juge, pour l’instant, inopportune son éventuelle exclusion même si la situation est sans conteste délicate pour Martine Aubry.
Je rappelle qu’il ne peut y avoir qu'un vainqueur à Gauche: l'Espoir. Au 21e siècle, face à la droite, immobile depuis deux cents ans, crispée par son éternel refus de 1789 et de ses prolongements (1848, 1905, 1936, 1945, 1981), la gauche doit se battre, encore et toujours, pour que le Pain, la Paix, la Liberté ne soient pas que des vains mots. Aucun espoir, aucun projet ne se construit dans la cacophonie ou l’indiscipline.
Enfin souvenez-vous de ce que Ségolène Royal disait en juin 2008 dans VSD : « Est-il normal que ceux qui insultent leur parti puissent rester candidats au nom de ce parti? » (...) « Les militants ne tolèrent pas que des élus portent atteinte à la dignité du parti ou aux règles élémentaires de fraternité au sein du PS, alors qu'ils lui doivent leur élection. (...) Il faut instaurer un système de droits et de devoirs. On est élu parce qu'on bénéficie d'un parti, de ses militants, de son histoire, eh bien, on a des devoirs à l'égard de ce parti».
« Et ce système, si j'étais désignée (Premier secrétaire: NDLR), je le mettrais en place. Si le risque de perdre son investiture parce que l'on se comporte mal en dénigrant son parti ou en injuriant d'autres socialistes existait, nous n'assisterions pas à ce type de dérapages. (...). Seul doit nous animer le débat d'idées. Mais, lorsque le parti aura décidé sa ligne politique, il faudra s'y tenir. Les militants ne supportent pas le brouhaha actuel, d'autant moins que ce sont des responsables politiques qui se permettent de porter atteinte à l'image du parti ».
Et voilà. C'était un entretien que Martine Aubry et tous les camarades de Manuel Valls reliront sans doute avec délectation.
PS : Je n’ai pas évoqué le cas Julien Dray parce que j’estime que ses diatribes s’expliqueraient plutôt par le fait que Martine Aubry ne l’ait pas réellement soutenu quand il a été mis en cause à la suite du signalement de Tracfin.