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5 janvier 2010 2 05 /01 /janvier /2010 18:14

Inéquitable et inefficace, c'est grosso modo le double motif invoqué par le Conseil constitutionnel pour invalider la loi instituant la taxe carbone que Nicolas Sarkozy avait voulue emblématique de sa volonté réformatrice et de ses priorités écologiques.

 Si le sujet n'était pas aussi sérieux, on pourrait s'amuser de cet hommage rendu a contrario par nos gardiens de la Constitution au reste de notre édifice fiscal, qui ne paraît pourtant pas toujours exemplaire sur les deux critères qu'ils ont ainsi mis en avant. Un d'entre eux apparaît d'ailleurs carrément problématique : il s'agit de l'inadéquation, soulevée par nos sages, entre le dispositif proposé par le gouvernement ( et voté par le parlement) et les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui l'ont motivé. En ma qualité de juriste, je m’interroge (quand bien même l’injustice sociale grevant le dispositif de la taxe carbone ne fait aucun doute) : Est-on encore dans le domaine du droit constitutionnel ? En clair, une interprétation extensive  du principe de  proportionnalité fait-elle partie des prérogatives du conseil constitutionnel ?

Le fait est, malgré tout, que siègent rue Montpensier d'anciens présidents de la République qui, pour être devenus des sages, n'en sont pas moins hommes. En agitant de tels arguments, ne cèdent-ils pas à la tentation de continuer à peser sur la politique de leur pays par d'autres moyens ?

En tout cas, il ne fait pas de doute que cette décision, surprenante sur le plan juridique, mais rassurante sur le plan social, constitue un nouveau revers pour le président de la République, transformant la seconde partie de l'année 2009 en une sorte de série noire pour l'exécutif. Ce grippage de la mécanique sarkoziste est d'autant plus étonnant qu'il s'est produit sur des réformes en apparence plutôt consensuelles. Le principe de la taxe carbone avait été salué de la gauche à la droite. L'idée de « verdir » notre fiscalité apparaissait, comme on aurait dit naguère au PS, largement « transcourants » dans la vie politique nationale. De même, la suppression de la taxe professionnelle, impôt « bizarre » mais pourvoyeur de fonds des collectivités territoriales, déjà qualifié d'« imbécile » par François Mitterrand il y a vingt-sept ans, aurait pu passer comme une mesure de sauvegarde de la compétitivité des entreprises. Rescapée, à quelques détails près, de l'examen du Conseil constitutionnel, son vote a toutefois donné lieu à une  levée de boucliers au sein de la majorité présidentielle. On ne peut pas dire non plus que le principe de la réforme de notre « millefeuille » des collectivités locales ne soit pas la concrétisation d'une multitude de réflexions menées dans tous les camps sur ce thème. Ce qui ne l'a pas empêchée de tourner à la bataille de tranchées.

Qu’est-ce qui pose alors problème ? Ce pays est-il réformable ?

Le plus souvent, la mise en cause du « style Sarkozy » fournit facilement l’explication à ce paradoxe. Annonces à la hussarde, accélération débridée du tempo administratif, mépris pour l'intendance politicienne : la forme nuirait au fond. Le problème, c'est que ce volontarisme sarkoziste est si ostentatoire  qu’il ne laisse pas de place à la concertation et au compromis.

Arrondir la forme sans abandonner le fond, tel est le vœu qu’on peut former pour Nicolas Sarkozy en 2010.

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commentaires

L
<br /> Voici un article bien écrit. Bravo monsieur.<br /> <br /> <br />
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  • : Le blog de Hervé-Mélaine AGBESSI
  • : "L'esprit né de la vérité a plus de puissance que la force des circonstances" Albert SCHWEITZER.
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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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