L'Europe n’a-t-elle déjà pas été l'homme malade de la planète ! Au cours de la décennie 2000, l'économie de la zone euro a progressé à peine de 1,5 % par an contre près de 4 % pour le monde et plus de 6 % pour les pays émergents. Dans les prévisions publiées avant-hier par l'OCDE, l’Europe, tel un malade atteint d’une affection de longue durée, continue de se traîner. En réalité, l’OCDE a à peine changé ses chiffres depuis le printemps dernier. Elle a surtout abaissé les perspectives des Etats-Unis, où la crise immobilière s'éternise. La croissance y serait l'an prochain d'à peine plus de 2 %, soit 1 % de moins que ce qui était prévu avant l'été. Mais les pays de l'euro feraient encore moins bien, avec une progression limitée à 1,7 % l'an prochain. Sur un corps déjà affaibli, la Grande Récession de 2009 a laissé des cicatrices plus profondes qu'ailleurs.
L'Europe voit encore son état s’empirer. Elle est désormais secouée de terribles secousses nerveuses. Les premiers soubresauts, à l'automne 2008, ont été vite maîtrisés avec des moyens exceptionnels - colmatage en catastrophe de l'Islande avec des capitaux russes, nationalisations bancaires au paradis du libéralisme financier qu'est le Royaume-Uni, sauvetage à la hussarde de la banque franco-belge Dexia. Le calme relatif de l'année 2009 a laissé croire que le pire était passé. Après l'atmosphère glaciale du début d'année, le dégel a été finalement rapide sans entraîner pour autant de débâcle. Mais l'année 2010 aura été éprouvante. Le malade a connu une première attaque venue de son pied gauche, la Grèce, en avril. Elle a été contenue à grand-peine en mai, avec la création difficile d'un dispositif de soins rapides. Il connaît maintenant une nouvelle attaque dans sa main droite, l'Irlande. Une attaque qui menace de gagner son pied droit, le Portugal, puis sa jambe droite, l'Espagne, avant de se diriger vers d'autres pays du corps.
Ce qui était impensable hier devient aujourd'hui réalité : la mécanique financière du Vieux Continent ressemble aux pays émergents des années 1980, où la crise se propageait de l'un à l'autre sans qu'il soit possible d'arrêter le mouvement. A chaque fois, l'Europe y laisse des forces, de l'argent, de la volonté, de la croissance aussi. Le système de sauvetage mis en place repose pour l'instant surtout sur la Banque centrale européenne. Ca ne peut plus durer. Le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a eu raison de le rappeler. Il faut traiter le mal à la racine. Dans le système cérébro-spinal, dans l'architecture cognitive de l'Union, dans ses institutions et ses règles.