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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 19:17

Dans la pièce de Shakespeare, le roi Cymbeline interroge en ces termes : « Eh bien ! Ce diamant qui est à votre doigt, répondez, comment vous est-il venu ? « Tu veux me torturer » répond alors l'affreux Iachimo, « pour me faire dire ce qui, une fois dit, te mettra à la torture. » Qu'on en soit informée ou non, le business des ressources naturelles extraites dans certaines régions du globe (Soudan, Sud-Soudan, République Centrafricaine, République démocratique du Congo, etc...) est tout autant terrifiant que dans cette œuvre du XVIIe siècle.

 

En temps normal, les ressources naturelles de ces pays devraient contribuer efficacement à leur développement socio-économique. Hélas, elles ont provoqué le chaos ; le commerce des ressources naturelles motivant, finançant et prolongeant bien souvent les conflits et autres violations flagrantes des droits de l'homme. Dans ces pays , les richesses de type diamants, or, tungstène, tantale ou encore étain, sont extraites, introduites en contrebande et taxées illégalement par de violents groupuscules armés, qui y puisent le budget nécessaire au financement de forces de sécurité et autres milices belliqueuses.

 

Soudan, Sud-Soudan, République centrafricaine (RCA), et République démocratique du Congo (RDC) sont des États riches en ressources naturelles mais abritent pourtant 55 % des personnes déplacées au sein de la région (une sur cinq à l'échelle mondiale) en raison de conflits.

Ce commerce tâché de sang, autour de ce que l'on a appelé les « ressources de conflit, » se trouve facilité par l'existence de chaînes logistiques en appui d'immenses marchés de consommation, tels que l'Union européenne et les États-Unis, dont émanent en retour d'importants flux de liquidités. Ces richesses du sol, telles que l'étain, le tantale, le tungstène ou l'or  viennent composer nos bijoux, et se retrouvent dans nos automobiles, téléphones portables, consoles de jeux, équipements médicaux et autres innombrables produits de la vie quotidienne.

 

Certes, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à exiger un minimum d'informations, conduisant les acheteurs à veiller à ce que leurs commandes ne financent pas de violences inacceptables. En même temps, la conciliation du commerce mondial et de la protection des droits fondamentaux de l'homme ne saurait incomber en priorité au consommateur. La prévention des conflits et la préservation des droits humains relèvent avant tout de la responsabilité des États, avec la nécessité pour les entreprises de jouer aussi un rôle dans ce domaine.

 

Depuis 2012, les sociétés opérant dans des zones de conflit ont la possibilité de s'appuyer sur une norme mondiale. En effet, L'OCDE a émis des recommandations pratiques ou des consignes détaillées sur la manière dont les entreprises peuvent s'approvisionner en matières minérales de manière responsable.

 

Déjà en 2011, l'ONU avait publié un ensemble de Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, selon lesquels les entreprises dont le « contexte d'affaires soulève des risques graves pour les droits de l'homme ont pour responsabilité de rendre officiellement des comptes sur la manière dont elles résolvent ces risques. »

 

Malheureusement, à l'exception de quelques acteurs progressistes du secteur, rares sont les entreprises à répondre à ces recommandations non contraignantes. En 2013, des chercheurs hollandais ont réalisé une étude auprès de 186 sociétés cotées sur des bourses européennes traitant les ressources minérales de conflit. Il est apparu que plus de 80 % d'entre elles ne mentionnaient nulle part sur leur site internet quelque démarche entreprise afin d'éviter de financer conflits ou violations des droits de l'homme. De même, la direction générale du commerce de la Commission européenne a relevé que seules 7 % des 153 entreprises de l'UE faisaient apparaître une politique de diligence à l'égard des richesses minérales de conflit dans leurs rapports annuels ou sur leur site Internet.

 

Aux États-Unis, La Securities and Exchange Commission (SEC) exige des entreprises utilisant du tantale, de l'étain, de l'or ou du tungstène dans leurs produits qu'elles s'informent sur l'origine de ces matières premières, et qu'elle travaillent à la réduction du risque au sein de leurs chaînes logistiques, en conformité avec les recommandations de l'OCDE, dans le cas où ces matières proviendraient de zones de conflit ou de régions à risque élevé. Les 12 États membres de la Conférence internationale africaine sur la région des Grands Lacs se sont engagés autour d'exigences légales de diligence similaires.

 

L’Union européenne (UE) est clairement à la traîne sur ce grave sujet. En mars, la Commission s'est contentée de proposer un système en vertu duquel les informations fournies demeureraient fondées sur le volontariat, n'imposant ainsi aucun contrôle sur les matières minérales entrant sur le territoire de l'UE. Cette proposition est actuellement examinée par le Parlement européen et par le Conseil européen. Il est absolument fondamental que ces deux institutions prennent la responsabilité de renforcer davantage la réponse de l'UE, en rendant obligatoire la conformité et la fourniture d'informations.

 

Sans naïveté aucune, le renforcement de la réglementation autour du commerce de ces ressources naturelles ne saurait à lui seul être l'alpha et l'oméga de la paix au sein des régions touchées par les conflits. Mais le financement des conflits et les sempiternelles violations des droits de l'homme ne sauraient non plus constituer la « gabelle » acceptable des affaires.

 

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 21:34
Le groupe américain General Electric a exprimé son intention d'acquérir la branche énergétique de la société Alstom, un fleuron national. Pour y arriver, son président a compris qu'il fallait donner des gages  au gouvernement français afin d'obtenir son aval. En effet, le Code monétaire et financier précise que certaines opérations réalisées par un investisseur n'appartenant pas à l'Union européenne «relèvent d'une procédure d'autorisation».

Le fait d'acquérir «tout ou partie d'une branche d'activité d'une entreprise dont le siège social est établi en France» ( précisons que celui de  la société Alstom est situé à Levallois-Perret) peut obliger l'investisseur à demander l'autorisation de Bercy si l'opération est réalisée dans un des secteurs concernés. La liste de ces activités sensibles est énoncée à l'article R153-2 du Code. On y trouve notamment les jeux d'argent, la cryptologie et la production d'armes. Mais aussi «les activités relatives aux biens et technologies à double usage», c'est-à-dire à la fois civil et militaire, et le nucléaire en fait notamment partie. En brandissant  la menace d'un veto et en imposant un rapprochement à l'échelle européenne avec Siemens, Arnaud Montebourg s'est attiré les railleries  de la presse américaine qui a moqué, comme toujours, l'interventionnisme français.On peut aussi compter sur le bout des doigts le nombre de politiques courageux qui ont soutenu la gravité et la nécessité de sa démarche. Le patriotisme économique ne peut être un concept flou ni un machin qui sonne en creux quand un fleuron industriel est en cause. Accepter le démantèlement de la société Alstom, c'est faire preuve de défaitisme. On ne peut être d'accord qu'avec Chevènement quand il écrivait sur une forme d'antipatriotisme des élites françaises.

Inversons un peu les rôles ! Un rachat d'une entreprise américaine par une société française aurait-elle été possible?

En matière de patriotisme économique, les États-Unis se montrent particulièrement défensifs. Ils disposent d'un puissant arsenal législatif  leur permettant de s'opposer à la vente d'une de leurs entreprises à un investisseur étranger. L'amendement Exon-Florio, adopté en 1988, prévoyait initialement que cette opposition ne pouvait s'exercer que dans des cas restreints à la défense de la sécurité nationale. Mais les conditions de cette clause ont été assouplies en 1992 grâce à l'amendement Byrd, qui autorise notamment le gouvernement américain à s'opposer à une transaction qui aurait un effet «sur le leadership technologique américain dans des domaines affectant la sécurité nationale». Une définition suffisamment vague pour permettre une interprétation élargie de ce dispositif, rendant un peu plus poreuse la frontière entre patriotisme et protectionnisme économiques.

L'utilisation de cette clause spécifique reste cependant rare. En vingt-cinq ans d'existence, elle n'a conduit qu'à un seul veto présidentiel. Mais, comme le soulignait en 2007 un rapport du Sénat sur cette question, «l'histoire montre cependant que l'existence même d'un tel dispositif constitue un moyen de pression puissant et que des prises de position politiques, même au niveau du Congrès, ont pu suffire à empêcher des transactions de se conclure». En 2006, l'entreprise DP World basée aux Émirats Arabes Unis a ainsi renoncé à racheter la société P&O, opératrice des ports de New York, Philadelphie ou encore Miami. Bien que son projet eût été validé par la commission sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS), DP World avait subi les foudres de parlementaires qui, pour compromettre la vente, arguaient que deux des terroristes ayant participé aux attentats du 11 septembre avaient la nationalité émiratie.
 
A votre avis, que font les anglais ?

De l'autre côté de la Manche, la loi britannique protège elle aussi les fleurons industriels nationaux. Le Fair Trading Act de 1973 autorise le gouvernement à enquêter sur une opération en cours pour vérifier qu'elle ne constitue ni une menace vis-à-vis des intérêts nationaux ni une menace... sur la concurrence. Trois secteurs sont clairement concernés : les médias, l'eau et la sécurité nationale. Pour l'instant,  aucune circonstance particulière n'a encore justifié l'usage de veto par le gouvernement britannique. Mais, comme aux États-Unis, la seule menace d'une opposition du gouvernement suffit à dissuader certains investisseurs, comme ce fut le cas en 2006 lorsque le groupe russe Gazprom a eu l'intention de racheter l'entreprise énergétique Centrica.

Certes au Royaume-Uni, c'est moins la sécurité nationale que l'emploi qui entre en jeu dans les décisions politiques. Le Royaume-Uni sait se montrer conciliant en ce qui concerne le rachat de ses entreprises par des investisseurs étrangers. Mais il est  généralement préoccupé (comme on le voit chez Arnaud Montebourg d'ailleurs) par les dégâts sociaux que peuvent engendrer certaines opérations. Le Royaume-Uni est encore traumatisé par la vente des confiseries Cadbury à Kraft qui s'était terminée par la délocalisation de l'activité en Pologne.

Fort de ces expériences, on ne peut qu'apprécier voire encourager les efforts faits par Montebourg pour préserver le destin d'Alstom et les emplois qui vont avec. Le patriotisme économique ne fait pas obstacle à la liberté de commerce et d'investissements. L’état stratège doit prendre ses responsabilités et, en attendant, Arnaud Montebourg fait le job... 
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21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 17:42

Le défaut de légitimité dont souffre l’Union européenne (UE) ne date pas d’hier, mais la crise de l’euro a aggravé le problème. Il n’existe pas de remède miracle pour faire de l’UE, du jour au lendemain, une entité respectée, admirée, voire populaire aux yeux du plus grand nombre. Ses institutions sont éloignées géographiquement, difficiles à cerner et semblent souvent se consacrer à d’obscurs aspects techniques.


Si les dirigeants européens ne parviennent pas à renforcer leur crédibilité et leur légitimité aux yeux des électeurs, certains pans de l’Union pourraient commencer à se désagréger.

Les institutions politiques doivent leur légitimité à deux choses : les prestations qu’elles fournissent et leur mode de désignation. Les prestations, ce sont les avantages visibles imputables aux institutions. Le mode de désignation, ce sont les élections, qui obligent les détenteurs du pouvoir à rendre des comptes. Ces deux types de légitimité ont été affaiblis par la crise de l’euro.


Côté prestations, ce n’est guère impressionnant. La croissance économique est atone dans une bonne partie de l’Europe, le chômage a franchi la barre des 12% dans la zone euro et celui des jeunes dépasse les 50% en Grèce et en Espagne. Bon nombre de citoyens ont l’impression que ni l’UE, ni l’euro, ne leur sont d’un grand secours.


Parallèlement, on a du mal à se faire une idée de la légitimité censée émaner du mode de désignation. Au vu de la complexité des processus décisionnels – les pouvoirs étant répartis entre une multitude d’institutions – il n’a jamais été simple de savoir qui était responsable de quoi dans l’UE. Or, le sentiment d’un déficit de démocratie est un problème grandissant pour les pays très endettés de la zone euro. La "troïka" non élue – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – a contraint les parlements européens à accepter des coupes budgétaires et des réformes structurelles. Les grandes décisions relatives aux plans de sauvetage de l’UE ont été prises par les ministres des Finances de la zone euro et les chefs de gouvernement. Tout ceci doit changer avec une efficacité ou une légitimité retrouvée de l'Union européenne.


Mais alors, que faut-il faire pour améliorer la légitimité de l’UE ?


Tout d'abord, un préalable : si nous ne réglons pas définitivement la crise financière que traverse l'Europe, tout le reste n'aura que peu d'importance.


Au-delà, que devons-nous faire pour que l'Europe retrouve de l'énergie, de l'enthousiasme et de l'espoir ?  Il faut d'abord définir une certaine vision stratégique pour l'Union européenne. Nous aurions peut-être intérêt à essayer de prendre une approche à cinq ou six ans pour mettre en place un plan d'action réaliste, concret et facilement compréhensible. Ce plan d'action doit contenir des priorités bien identifiées. Il faut également faire prévaloir une approche intégrée de l'action extérieure européenne. L’Union européenne est le seul ensemble dans le monde qui a, sur son tableau de bord, autant de moyens d'action. Simplement, ces moyens-là ne trouveront leur efficacité qu'à la condition d'être solidement coordonnés. C'est en faisant prévaloir ce souci de cohérence que l'Union européenne peut retrouver sa raison d'être et toute sa place sur la scène internationale. Tel doit être le modus operandi du parti socialiste européen.


Dans un climat marqué par l'euroscepticisme et les replis nationaux l'année 2014 est d’une importance majeure pour l’avenir de l’Union européenne. Le Parlement européen, la Commission européenne vont être renouvelés. Une campagne de grande envergure, délibérément pro-européenne mais sans naïveté, est nécessaire. Les socialistes doivent la mener avec détermination et combativité.


Les citoyens ont le pouvoir démocratique entre leurs mains. Ils élisent les parlementaires qui, eux-mêmes, éliront, pour la première fois, le président de la Commission européenne, sur la proposition du Conseil européen… formé de chefs d’État et de gouvernements nationaux. Si la politique actuelle de la Commission est libérale, c'est parce que les gouvernements de l'UE sont en majorité libéraux. Un président de la commission social-démocrate (Martin Schulz) aurait alors pour effet de refroidir les ardeurs libérales de l'Union.


Ne pas être satisfait de l'Europe d'aujourd'hui oblige à agir, pour transformer cette Europe qui déçoit et exiger un fonctionnement différent. Les socialistes européens y sont prêts. Par ailleurs, il peut paraître hâtif pour les « tisseurs » du parti socialiste d'insister sur l'imminence d'une Europe fédérale, en cette période de crise économique et de hausse du chômage. L'urgence n'est pas institutionnelle, mais plutôt économique et sociale!


Le défi est surtout immense pour les socialistes et sociaux-démocrates européens : si ces derniers sont incapables d'expliquer leurs réformes, qu'ils soient au pouvoir seuls ou en alliance au niveau national, s'ils ne parviennent pas à articuler leur projet européen et leurs politiques, au niveau national et européen, ils en paieront le prix dans les urnes. Aux Pays-Bas comme en France, les partis sociaux-démocrates et socialistes ont élaboré leurs listes pour les élections européennes dans la douleur. Dans ces deux pays, les sociaux-démocrates sont aujourd'hui sur la défensive. Il leur faudra rattraper des sièges aux élections européennes perdus en 2009 au profit des Verts. Il leur faudra répondre à la colère de leurs électeurs traditionnels. Mais les partis sociaux-démocrates doivent non seulement répondre aux attentes de leurs électeurs perdus mais ils doivent surtout s'opposer frontalement à la menace de l'extrême droite européenne. Pour cela et pour faire baisser l'abstention, il leur faut mobiliser leurs militants, leurs réseaux, et proposer des politiques et des messages clairs et cohérents par rapport aux idées et aux intérêts qu'ils portent.


Les vraies questions par ordre de priorité auxquelles les socialistes et sociaux-démocrates européens auront à résoudre sont les suivantes :

Quels sont les moteurs d’une nouvelle stratégie de croissance et d'emplois ? Quels sont les grands axes du projet et les propositions pour reconstruire l’UE et sortir de la crise? Quelles sont les conditions démocratiques à réunir ? Une gageure...

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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 15:54

Les Etats-Unis et l’Europe sont  guettés par le déclin. Mais chez les premiers, il y a un président au verbe et intonation mobilisateurs. Chez la seconde, les dirigeants ne parviennent pas à raviver la flamme européenne,  illuminer le continent des rêves des pères fondateurs.

  L 'Europe n'est pas assez fière d'elle-même », avait dit François Hollande à Berlin lors de la célébration du cinquantième anniversaire du Traité franco-allemand de l'Elysée. Que François Hollande ne s'écoute-t-il lui-même ! Que lui, et Angela Merkel et les autres dirigeants européens, ne délivrent-ils enfin un grand discours qui explique ou réaffirme aux peuples le rôle de l'Europe au 21e  siècle, l'intérêt qu'elle a d’aller loin dans l’Union, la place du « Vieux Continent » dans le monde instable et multipolaire, la force de ses valeurs de démocratie quand beaucoup sont séduits par l'asiatisme. En clair, le discours qui redonne la foi dans l'Union manque cruellement.


En temps de crise, le taux de croissance d'un pays n'est pas déconnecté du lyrisme de ses dirigeants. Au-delà des décisions ponctuelles et des politiques concrètes, c'est le souffle qui porte la confiance. Et les deux sont liés comme ce qui se pense clairement s'énonce clairement : si les dirigeants européens pataugent depuis quatre années sans parvenir à surmonter la crise, c'est d'abord parce qu'ils n'ont plus une idée simple, forte et partagée de ce qu'est l'Europe.


Deux événements parallèles  illustrent tristement ce propos. Cet anniversaire à Berlin de l'amitié franco-allemande et l'inauguration à Washington du deuxième mandat de Barack Obama. Les deux régions occidentales vivent le même tempo historique : la crise économique les frappe ensemble, un même sentiment décliniste les mine, nourrit par la montée inéluctable de la Chine et des autres puissances démographiques du sud, une semblable déchirure interne, nord/sud en Europe et côtes/centre aux Etats-Unis, casse les solidarités d'hier, enfin la montée des technologies d'autonomie poussent l'individualisme et remet en cause certains des principes de la civilisation occidentale.

 

Etats-Unis et Europe sont très profondément, très fondamentalement, affectés par le même mal. Si l'on en juge par la philosophie politique, le consensus idéologique entre droite et gauche, républicains et démocrates, les Etats-Unis sont plus gravement divisés. Si l'on en juge par l'économie, le taux de croissance, c'est l'Europe qui souffre le plus, elle est en récession quand l'Amérique peut se féliciter d'un 2,5% de hausse du PIB cette année.

 

Les discours prononcés à Berlin lors cet anniversaire du Traité franco-allemand étaient lourds, à l'image de la politique économique européenne anti-crise. Catalogue de choses à faire, promesses de dialoguer encore et encore, engagement de rester soudées. Le président de la République fédérale, Joachim Gauck, l'a résumé à l'adresse de François Hollande : « il est une certitude que vous pouvez emporter avec vous à Paris : oui, les Allemands veulent l'Europe ! Et ils la veulent toujours et uniquement sur le fondement de l'amitié profonde entre la France et l'Allemagne ». Très bien!danke! Mais quelle Europe ? Nous resterons ensembles, oui, mais pour faire quoi ? Quelle identité donnons-nous à cet ensemble ? Quelle boussole pour cet ensemble ?


Réécouter le discours inaugural du président Obama donne la réponse : le président réélu fait de la haute politique. « Serment », « dévouement », « credo fondateur », et un « nous le peuple » en scansion : forgés dans l'histoire longue, les mots osent et frappent. Ils pourraient être ridicules par leur simplicité, mais ils élèvent. C'est que le message en dit long : « Les patriotes de 1776 n'ont pas combattu pour remplacer la tyrannie d'un roi par les privilèges de très peu ». « Nous le peuple, on comprend que le pays ne peut réussir quand une minorité de plus en plus réduite va bien tandis qu'une majorité de plus en plus large a du mal. La prospérité américaine repose sur les épaules larges d'une classe moyenne ». Barack Obama avait trouvé les mots parce qu'il tranche net dans le débat politique : il engage un combat contre les inégalités et ce combat passe par une réhabilitation de l'Etat. Il sonne le glas de l'ère Reagan pour qui « l'Etat est le problème ». Même si dans les faits, les difficultés ne manqueraient pas, force est de constater qu’une ligne claire est tracée.


L'Europe doit, à son tour, trancher nettement son débat politique interne, entre solidarité et souveraineté. La première, c'est-à-dire les instruments de convergence des pays et de croissance de l'ensemble, ne viendra qu’une fois gommé ou corrigé « le déficit démocratique » reproché à l’Europe. C’est uniquement à cette condition que l’abandon de la souveraineté serait intégralement accepté de tous. Il n'y a pas d'autre choix. La crise s'est prolongée faute de trancher. Et, cette décision une fois assumée, les mots viendront, comme ceux qu'ose Barack Obama, pour dire « nous les peuples d'Europe» voulons être ensembles pour défendre, fièrement, aux yeux de la communauté internationale ce que nous serions devenus : un modèle inébranlable  de dialogue et d'humanisme.

   

Le chemin semble encore loin, à l’heure où 52 % des Français sont favorables à la sortie du Royaume-Uni de l'Europe. Hélas ! 

 

 

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 10:13

L’Europe semble de plus en plus se fourvoyer et s'engage de façon dramatique  dans une impasse. Pendant les deux dernières décennies, les pays de l'Occident se sont drogués aux dettes  jusqu'à ce que la crise les ramène à la réalité. Depuis lors, s'est enclenché un processus de recherche de la réduction de ces dettes sous le diktat des agences de notation et la pression des marchés. Sommés de toutes parts de réagir, menacés de voir leur « note » faire l'objet d'une dégradation et, avec celle-ci, leur possibilité de rembourser leur dette anéantie, les pays de la zone euro ont entrepris, tous en même temps, de ramener leurs comptes à l'équilibre, principalement au moyen de coupes dans leurs dépenses publiques censées, selon l'idéologie dominante, être plus efficaces que les hausses d'impôts.

Ce comportement moutonnier, qui a ramené au premier plan le consensus de Washington et, avec lui, la politique traditionnelle du FMI, est, à la fois, absurde, inefficace et empreint d'une profonde injustice. Il procède, d'abord, d'une absurdité économique qui le rend profondément inefficace. Il n'est pas besoin de rappeler longuement que les coupes dans les dépenses publiques entraînent automatiquement une chute des recettes publiques qui en réduit fortement l'effet. En outre, ces effets sur l'activité économique, cumulés dans la zone euro et démultipliés en raison de leurs conséquences sur les échanges intra-zone, risquent de conduire à la dépression. Les politiques ne peuvent de tout de même pas l’ignorer !

Ensuite, ce comportement est empreint d'une injustice criante, en même temps que d'une grande hypocrisie à l'égard des populations concernées. Il suffit de citer le cas de l'Espagne. La situation d'une grande partie de sa population, telle que la décrivent de nombreux observateurs, est, en effet, aujourd'hui tragique et indigne d'un grand pays de l'Europe, avec des taux de chômage records et une aggravation inquiétante de la pauvreté qui oblige un nombre croissant d'espagnols à recourir à la soupe populaire. Faut-il accepter que l'on en revienne, ainsi, à des pratiques et à des situations qui rappellent le XIXe siècle pour réduire la dette des pays considérés et qu'il n'y ait pas d'autre solution ? Certainement non.


 Actuellement, la zone euro est dans une impasse. Plus les « politiques d'austérité » se généralisent et s'approfondissent, plus la croissance diminue et l'on plonge vers la récession. A chaque annonce d'une nouvelle « tranche d'austérité », prévaut d'abord le sentiment du devoir accompli en satisfaisant les attentes des marchés et en calmant les agences de notation. Cela dure deux ou trois jours, puis les unes et les autres repartent à l'assaut et stigmatisent d'autres pays. Et ceci n'est pas étonnant, car ces plans d'austérité n'ont rien de rassurant pour des esprits rationnels qui en anticipent les effets dépressifs. On nous rétorquera que tout ceci appelle une reconstruction du monde et, surtout, de son système financier et que cela ne se fera pas en un jour. 

 

Le sommet européen du 09 décembre, censé apporter une lueur d’espoir, n’a pas répondu aux véritables questions que soulève l’endettement des Etats. Ce curieux sommet qui consolide le leadership d’Angela Merkel, divise tout en créant de nouveaux et incertains équilibres politiques. Pourtant des pistes existent. Celles-ci ne demandent qu’à être suivies :

-         Il suffit d'accroître considérablement les possibilités de rachat de la dette de la zone euro par les institutions européennes, ce qui permettrait, en diminuant drastiquement la pression qui s'exerce sur les différents pays de la zone, d'éteindre l'incendie et  in fine de mettre les pays endettés à l’abri des forces obscures et spéculatives. Sinon c’est la sempiternelle course à l’austérité et cela n’augure rien de bon. Comme l’a souligné Martin Wolf, dans Le Monde Economie du 15 novembre, « c'est la brutale austérité des années 1930-1932 qui amena Adolf Hitler au pouvoir, et non l'hyperinflation ».

-         En second lieu, il s'agit de remettre à leur place les agences de notation, réguler les pratiques techniques des marchés et séparer les activités des banques. La première mesure devrait avoir, notamment, pour objet d’encadrer le droit accordé de façon irresponsable à ces agences de noter les Etats. A cet égard, on ne peut que déplorer que le projet de la Commission européenne ait été vidé de l'essentiel de sa substance.

-         En troisième lieu, il convient de revoir complètement les politiques dites d'austérité, en cessant de les axer entièrement sur les dépenses publiques et de les faire peser sur les classes moyennes et les plus pauvres, donc sur la demande, selon deux directions :

  • en les axant davantage sur l'imposition des plus riches, à l'instar de ce qu'avait fait Franklin Roosevelt au cours des années 1930 ;
  • en les accompagnant par des politiques de soutien de l'activité économique de type New Deal pour éviter les effondrements des économies, par exemple, grâce à l'utilisation des « eurobonds » pour leur financement.

Soyons en certains : on ne sauvera pas l'Europe en misant sur la seule austérité.

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6 février 2011 7 06 /02 /février /2011 16:02

Pendant que  de Tunis à Amman ou au Caire, le monde arabe sort à grande vitesse de l'ère glacière, les leaders occidentaux, figés dans une politique arabe obsolète, voient s'effondrer sous leurs yeux leurs certitudes d'hier. Depuis l'immolation, il y a un mois et demi, d'un vendeur de fruits et légumes tunisien à Sidi Bouzid, des régimes qu'ils croyaient, à tort, solides vacillent. Pire, on semble découvrir avec étonnement que des peuples décrits comme condamnés à subir encore longtemps des régimes dictatoriaux aspirent à autre chose : La liberté et la dignité ! Quelle  merveilleuse surprise !

 

Ce n'est pas la première fois que la croyance dans le statu quo a conduit à de lourdes erreurs d'analyse. On se souvient que ni François Mitterrand ni Margaret Thatcher ne comprirent la signification de la chute du mur de Berlin qui se déroulait pourtant sous leurs yeux. Il ne faudrait pas commettre les mêmes erreurs, même si le parallèle avec les événements actuels peut manquer de pertinence. Lors de la chute du Mur, les peuples des « démocraties populaires » avaient tous un seul modèle, leurs voisins de l'Ouest libres et prospères. Si ce rêve d'Occident traverse les sociétés arabes, il est loin d'être le seul ni peut-être le principal, variant en tout cas grandement en intensité d'un pays à l'autre. Une enquête du Pew Research Center américain montre que plus de 80 % des Egyptiens ont une vision négative des Etats-Unis. Aussi, les dirigeants occidentaux, américains en tête, ne peuvent s'empêcher de lire ce qui se déroule au sud de la Méditerranée à la lumière de la révolution iranienne de 1979 : l'Ouest, qui se félicitait du renversement du Shah, découvrit rapidement que l'alternative était bien pire.

 

Ce danger est bien réel en Egypte comme ailleurs. Mais il n'y a pas de fatalité à ce que, dans le monde arabo-musulman, les peuples soient condamnés à choisir entre deux ordres, le militaire ou l'islamique. Le plus grand pays musulman du monde, l'Indonésie, est passé de plus de trente ans de dictature de Suharto à la démocratie à la fin des années 1990. Plus près, la Turquie, République laïque, représente un modèle pour les peuples de la région. Modèle que l'Europe, d'ailleurs, ferait mieux d'encourager plutôt que de dénigrer. Il faudrait citer également les évolutions profondes de la société iranienne, qui permettent d'espérer, à un horizon pas si lointain, l'émergence, enfin, d'une grande Perse moderne.

 

L'enjeu des événements actuels est que cet intense moment de libération, où, après tant d'années, toutes les voies sont soudain ouvertes, débouche sur la modernité et non l'obscurantisme. Que ces pays ne se trompent pas de modèle !InchAllah

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21 novembre 2010 7 21 /11 /novembre /2010 16:05

L'Europe n’a-t-elle déjà pas été l'homme malade de la planète ! Au cours de la décennie 2000, l'économie de la zone euro a progressé à peine de 1,5 % par an contre près de 4 % pour le monde et plus de 6 % pour les pays émergents. Dans les prévisions publiées avant-hier par l'OCDE, l’Europe, tel un malade atteint d’une affection de longue durée, continue de se traîner. En réalité, l’OCDE  a à peine  changé ses chiffres depuis le printemps dernier. Elle a  surtout abaissé les perspectives des Etats-Unis, où la crise immobilière s'éternise. La croissance y serait l'an prochain d'à peine plus de 2 %, soit 1 % de moins que ce qui était prévu avant l'été. Mais les pays de l'euro feraient encore moins bien, avec une progression limitée à 1,7 % l'an prochain. Sur un corps déjà affaibli, la Grande Récession de 2009 a laissé des cicatrices plus profondes qu'ailleurs.

 

L'Europe voit encore son état s’empirer. Elle est désormais secouée de terribles secousses nerveuses. Les premiers soubresauts, à l'automne 2008, ont été vite maîtrisés avec des moyens exceptionnels - colmatage en catastrophe de l'Islande avec des capitaux russes, nationalisations bancaires au paradis du libéralisme financier qu'est le Royaume-Uni, sauvetage à la hussarde de la banque franco-belge Dexia. Le calme relatif de l'année 2009 a laissé croire que le pire était passé. Après l'atmosphère glaciale du début d'année, le dégel a été finalement rapide sans entraîner pour autant de débâcle. Mais l'année 2010 aura été éprouvante. Le malade a connu une première attaque venue de son pied gauche, la Grèce, en avril. Elle a été contenue à grand-peine en mai, avec la création difficile d'un dispositif de soins rapides. Il connaît maintenant une nouvelle attaque dans sa main droite, l'Irlande. Une attaque qui menace de gagner son pied droit, le Portugal, puis sa jambe droite, l'Espagne, avant de se diriger vers d'autres pays du corps.

 

Ce qui était impensable hier  devient aujourd'hui réalité : la mécanique financière du Vieux Continent ressemble aux pays émergents des années 1980, où la crise se propageait de l'un à l'autre sans qu'il soit possible d'arrêter le mouvement. A chaque fois, l'Europe y laisse des forces, de l'argent, de la volonté, de la croissance aussi. Le système de sauvetage mis en place repose pour l'instant surtout sur la Banque centrale européenne. Ca ne peut plus durer. Le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a eu raison de le rappeler. Il faut traiter le mal  à la racine. Dans le système cérébro-spinal, dans l'architecture cognitive de l'Union, dans ses institutions et ses règles.

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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 22:16

Les conflits salariaux qui se déroulent actuellement en Chine méritent sans doute davantage notre attention que bien d'autres événements. En quelques jours, deux entreprises de taille mondiale ont été confrontées à des revendications à la fois fortes et inédites : Honda et Foxconn, le plus grand sous-traitant électronique de la planète - où le malaise dépasse la seule question des rémunérations puisque une dizaine de suicides ont été constatés. Et le plus nouveau est que dans les deux cas, ces firmes aguerries ont dû plier et accorder des hausses de salaire substantielles, autour de 20 %, pour une partie de leurs ouvriers.

 

Ces tensions sont porteuses de sens pour l'avenir à un triple titre. Sur le plan social, elles démontrent que les salariés chinois sont capables de révolte et prêts à braver les consignes d'un Parti communiste campé sur la fiction de « l'harmonie sociale ». Les ouvriers venus en masse des campagnes ne sont plus disposés à accepter les mêmes conditions de travail et de vie - notamment la flambée de l'immobilier, qui ressemble de plus en plus à une bulle -que leurs parents beaucoup plus conciliants.

 

La leçon est aussi économique. Les écarts de rémunérations restent et resteront évidemment considérables entre l'« atelier du monde » et, justement, le reste du monde. Ne serait-ce que parce  que l'armée de réserve (pour prendre un terme marxiste) de la main-d’œuvre peu qualifiée est immense. Mais, peu à peu, pas à pas, la Chine entame sa mutation économique : le rattrapage salarial est en cours pour les cadres de haut niveau et le fossé va arrêter de se creuser pour les ouvriers.

 

Enfin, sur le plan politique, c'est une question qui est posée à Pékin. Le gouvernement doit arbitrer entre sa volonté de continuer à séduire les investisseurs internationaux avec sa compétitivité coûts et sa promesse de rééquilibrer la croissance chinoise vers le pouvoir d'achat et la consommation intérieure. Il n'est pas impossible que la stabilité du régime dépende en partie de son choix.

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26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 21:31

L'Allemagne est dépassée par la Chine comme premier exportateur mondial. Areva s'est fait « ramasser » par un groupe coréen pour un contrat à Abu Dhabi. L'Europe a été écartée des discussions conclusives à Copenhague sur le climat, menées par le président américain et le Premier ministre chinois. Au chapitre de la régulation financière, l'Union est incapable d'imposer ses vues à l'Amérique et à l'Asie. Toutes les semaines, tous les jours, l'histoire du déclassement européen s'accélère.

 

La crise aurait dû être l'occasion d'un sursaut, d'un changement, d'une relance. Rien de tel. Le déclin est comme intégré et assumé. L'Asie nous flanque des raclées industrielles ? C'est normal, ils sont si nombreux. On ne peut rien contre la démographie. Et puis, après deux siècles de mise à l'écart, c'est leur tour. Rien à faire. L'Amérique, elle, nous domine dans les technologies et la société de la connaissance ? C'est normal, ils ont Google, après avoir eu Microsoft, Intel et IBM. Ils ont dans leurs gènes la course à « la nouvelle frontière ». Rien à faire.

 

Rien, sauf à renommer les mêmes (ou à choisir les mêmes comme c’est le cas au parti socialiste) : José Manuel Barroso à la Commission, Jean-Claude Juncker à l'Eurogroupe, malgré leur effacement durant la crise. Rien, sauf dupliquer les dispositifs institutionnels pour que l'immobilisme soit la seule chose qui se consolide en Europe. Le nouveau président de l'Union, Herman Van Rompuy, a inauguré son nouveau mandat en annonçant les priorités (réécrire l'agenda de Lisbonne). Le lendemain, José Luis Rodriguez Zapatero, le président « tournant » du Conseil, un poste maintenu malgré la redondance, voulant marquer son existence, en a donné d'autres.

 

La crise signe l'échec de « l'Europe des nations ». L'idée, celle de stopper toute avancée fédérale, s'était imposée sitôt après Maastricht. Elle a été installée par le couple Chirac-Schröder, France et Allemagne de concert, gauche et droite réunies. Cette « Europe des nations » s'est d'abord perdue dans le long et difficile chemin de croix institutionnel nécessaire après l'élargissement ; dix ans d'errements. Ensuite, elle s'est, naturellement, ligotée dans le combat des nationalités. L'Allemagne voulait aider les usines allemandes d'Opel aux dépens des ouvriers espagnols, belges et anglais. Les plans de sauvetage des banques ont été élaborés au niveau national.

 

La crise aurait dû sonner l'heure européenne. L'ultralibéralisme a échoué et le modèle rhénan de régulation, de mixité Etat-marché, devrait s'imposer. L'Etat mais quel Etat ? Bruxelles ou les 27 capitales ? Question fondamentale à laquelle L'Europe des nations répond : les capitales. Mais la crise et l'accélération du monde rendent urgent un renouveau fédéral. Deux exemples.

 

La croissance européenne d'hier se composait de pays consommateurs (Espagne, Grande-Bretagne, France) et d'un pays producteur, l'Allemagne. C'était une reproduction du schéma Etats-Unis-Chine, à notre échelle. La crise en signe l'épuisement : les pays consommateurs vont épargner et, si l'Allemagne ne consomme pas, la croissance européenne restera morne, sans moteur. Au minimum, une coordination économique est devenue nécessaire.

 

La Grèce a ouvert une crise de l'endettement. Elle est la pointe bien avancée, comme on dit des fruits, des communs dérapages budgétaires des pays membres. Les ratios de dette filent vers les 100 % du PIB. Comment le gouvernement d'Athènes pourra-t-il imposer une austérité spartiate inévitable ? Faut-il faire appel au FMI ? Pourquoi ne pas instaurer un mécanisme incitatif en faisant prendre en charge les dépenses d'investissement par l'Union ?

 

Une solidarité tant fiscale que sociale doit s’imposer à l’intérieur de la zone euro.

 

 Mais aucun politique ne sonne l'alarme.

La seule idée poussive et défensive est celle de Nicolas Sarkozy : taxer les importations des pays qui ne s'engagent pas à réduire leur CO2. C’est insuffisant. Notre économie décroche, on nous propose son verdissement comme seule  solution. C’est court. L'Europe est vraiment malade…

 

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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 23:01

Ah oui ! Le grand match ! Pour présider l'Union européenne, on assiste à « un choc de personnalités » comme la presse les adore. Une « pipolisation » caricaturale. Ce qui compte, n'est-ce pas, est d'avoir quelqu'un qui a « une stature internationale ». Qui a une belle et forte voix et un numéro de téléphone que Barack Obama puisse joindre quand, dans sa liste de contacts, il tape le nom « Europe ». Ensuite, n'est-ce pas, il est très important de savoir si ce candidat vient d'un « grand » pays parmi les Vingt-Sept ou d'un « petit ». Grosse différence de sensibilité et, surtout, de susceptibilité. Et nommer un Britannique ? Peut-on, même si son pays ne fait partie ni de l'eurosystème ni de l'espace Schengen ? Pourquoi ne pas désigner une femme ? Ca change tout les femmes. Bien sûr.

On ne voudrait pas gâcher ce passionnant spectacle mais, au fait, où est le programme ? Qui nous propose quoi ? Où sont les questions qu'il faudrait trancher ? Qui éclaire de sa vision du XXIsiècle ? L'heure est grave, au moment où chacun des 494 millions de citoyens européens sent bien que l'Union se délite à vitesse accélérée et qu'elle s'efface devant le directoire Etats-Unis-Chine, qui leur propose un vrai et complet schéma de réhabilitation de l'Europe et de l'idée communautaire ?

Pour répondre, on lira un formidable « mémo » écrit par l'institut Bruegel (www.bruegel.org) le 1er septembre sous la direction d'André Sapir. Que dit ce mémo ? D'abord, il rappelle, et cela fait du bien, que l'Europe depuis vingt-cinq ans a des réalisations dont elle peut être fière. Le marché unique et le traité de Maastricht avec Delors, l'euro avec Santer, l'élargissement avec Prodi et, peut-être, une initiative climat avec Barroso. L'Union, on l'oublie, a aussi une stratégie claire : s'occuper des défis de long terme, tandis que les gouvernements sont trop souvent étouffés par le court-termisme électoral.

Quels défis ? Ils sont majeurs : la place de l'Europe dans la globalisation quand la Chine et l'Inde « érodent son traditionnel avantage comparatif du capital humain » et viennent la concurrencer sur les technologies les plus avancées. Le vieillissement, avec ses conséquences sur le financement, sur la dette. L'immigration venant du Sud, la Turquie. La sécurité énergétique, le nucléaire, la politique russe. Enfin, et fondamentalement, le rôle de la diplomatie et du dialogue, du « soft power », qui est la marque de fabrique du Vieux Continent mais dont les résultats restent maigres.

Cette stratégie de long terme appelle des réponses structurelles que l'Union commençait à mettre en place suivant sa méthode du « pas à pas » : l'élargissement, la société d'innovation du traité de Lisbonne, les migrations, le climat. Mais, outre que cette marche en avant est pour le moins hésitante, la stratégie est elle-même remise en cause par la crise, s'alarment les auteurs de Bruegel. Et ce de deux façons.

D'abord, par l'émiettement. La crise a salement touché les économies de l'Est européen et a brisé leur élan de rattrapage. Au lieu de converger, les Vingt-Sept sont menacés de diverger, ce qui rendra de plus en plus difficile la recherche d'une politique économique d'ensemble cohérente. Plus lourdement encore, la crise a grossi durablement le chômage et creusé les déficits. Comment le modèle social européen va-t-il pouvoir survivre ?

Ensuite, par le nationalisme. Les exemples d'une renationalisation des politiques dans l'automobile, dans la banque et, cette semaine, dans l'agriculture se multiplient. La crise a montré, par exemple, le besoin d'une « supervision globale » des institutions financières mais cela s'avère impossible si chaque gouvernement se replie.

Pour écarter la menace d'un éclatement, pour retrouver une cohésion, l'Europe doit impérativement réinventer toutes ses politiques, à commencer par ses mécanismes de coordination économique. Mais bien au-delà de ce nécessaire resserrage des boulons, de cette préservation des acquis, l'Europe souffre d'un « désenchantement ». Elle est accusée, non sans raison, de n'avoir été que l'outil de la « libéralisation », alors que la crise en a montré les échecs. L'Union a besoin d'une « nouvelle narration » qui redonne de l'intérêt à vivre ensemble et de l'espoir. MM. Blair, Junker, Mme Robinson, on vous écoute. On est tout ouïe….

 

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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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