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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 15:55

Il serait vain et inopportun de penser que le futur de la France se décidera  dans les vingt ou trente ans qui viennent. C’est plutôt dans les quatre ou cinq années maximum qui suivent que se préciseront le rôle effectif que jouera la France dans une mondialisation de plus en plus « carnassière », sa position dans la compétition économique mondiale et le niveau de vie des générations immédiates et suivantes.

 

La gauche a triomphé aux élections locales en partie grâce au rejet du style sarkozien. Elle reviendrait probablement aux affaires, à l’issue des prochaines échéances, sur le rejet des injustices sociales et économiques, l’échec de la relance du pouvoir d’achat et le dérapage insensé des dépenses publiques.

 

Mais il serait suicidaire pour le pays qu’elle prenne le relais en occultant sa nécessité de réformes. Pourquoi ? Parce que ne rien faire entérinerait le traitement réservé aux plus forts par Nicolas Sarkozy ; la faiblesse de productivité favoriserait et renforcerait les situations acquises au détriment de l’égalité des chances.

 

L’opposition, apte à diriger, doit renoncer à certaines illusions et dire la vérité aux français.

 

La France s’est construite autour de l’Etat, garant de la solidarité nationale. Mais, aujourd’hui, au rythme de cette mondialisation libérale, l’Etat semble avoir perdu son efficacité. Le recours aux déficits publics n’est plus immédiat ; ils sont plutôt une partie de nos problèmes. Avec mille milliards de dépenses par an qui plombent nos déficits, nous détenons un système social hyper coûteux qui protège faiblement les pauvres, une fiscalité lourde et faiblement redistributrice.

 

La France est l’un des rares pays où l’on conteste les inégalités en faisant financer par la TVA acquittée par tous, les services collectifs, les allocations familiales et les niches fiscales bénéfiques aux seules classes aisées.

 

La France est ce pays qui consacre plus d’argent que la moyenne européenne à l’éducation, mais ses universités sont insalubres ou vétustes et elle a le plus grand nombre de jeunes quittant le système scolaire sans aucune qualification.

 

La France est ce pays qui a le plus de dépenses sociales, mais avec toujours un grand nombre d’exclus.

 

La France, c’est aussi ce pays où l’on distribue plus de crédits à l’emploi mais en créant moins de travail. Tout le monde s’accorde à protéger son emploi avec une peur féroce de le perdre. Ce pays a plus de fonctionnaires, de corporatismes et de règlementations.

 

La France, c’est également ce pays où les inégalités de revenus et de patrimoine se présentent avec acuité.

 

Enfin, la France est un pays dont le modèle laisse peu de place à l’innovation et la croissance, seules gages du progrès social.

 

La nouvelle gauche, consciente de la nécessité d’une économie sociale de marché ne peut plus se bercer d’illusions : Elle ne peut en même temps chercher à faire des économies sur le train de vie de l’Etat et en  exiger plus de fonctionnaires mieux payés.

 

La gauche, apte à gouverner ce pays doit s’engager à faire des réformes justes qui tiennent compte non seulement de l’état alarmant et ahurissant de nos déficits mais également du niveau de notre compétitivité économique. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle sortirait du double langage et pourrait gouverner et convaincre les partenaires sociaux.

 

La gauche que je revendique doit faire le pari de l’intelligence économique et sociale. Elle doit devenir le parti qui lutte fermement contre la pauvreté, le parti qui encourage le système productif et  répartit mieux les richesses, le parti qui encourage la concurrence et donne la possibilité à l’Etat de ne suppléer qu’aux carences du marché.

 

Nous devons avoir l’audace de dire qu’il est important de sortir du régime d’emploi éternel dans le secteur public et y associer des facteurs de productivité -le service public n’a pas pour vocation d’être rentable, mais il n’empêche qu’il se doit d’être productif- ; qu’il est préférable de protéger plus efficacement les travailleurs et non les emplois ; qu’il faut dynamiser le travail des jeunes diplômés ou non ; qu’il faut sortir du discours compassionnel et faussement soixante-huitard en matière de sécurité ; qu’il urge de briser les tabous en matière de financement des retraites ; que l’innovation permanente est la seule réponse à la mondialisation ; qu’il faut mettre un terme aux emplois à vie dans la haute fonction publique ; qu’il faut supprimer les parachutes dorés des cadres supérieurs ; qu’il faut taxer le capital au moment de l’héritage…

 

La France est réceptive aux seules réformes justes et égalitaires. Chacun ne renoncera à ses privilèges qu’avec la garantie de trouver autant d’opportunités grâce à la réforme que de sacrifices faits pour elle. On ne peut donc pas réformer les acquis considérés comme de gauche sans supprimer les avantages dits de droite des professions règlementées. En d’autres termes, il serait inéquitable de demander des efforts aux machinistes et aux fonctionnaires sans exiger la même chose des médecins, des notaires, des pharmaciens, des taxis.

 

La gauche qui entend gouverner, en l’occurrence le parti socialiste doit sortir de sa médiocrité intellectuelle, de ses positionnements tactiques, et de son étourdissement sondagier (surtout ses concurrents au trône !) afin d’aborder les vraies questions de fond lors du congrès de l’automne.

 

Enfin, à la différence de Manuel Valls qui invoque Clémenceau pour étayer ses positions plus que surprenantes, je crois que la remise en chantier de l’examen du réel à laquelle nous invite Jaurès reste vigoureusement plus que d’actualité.

 

 

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commentaires

L
Quel pragmatisme!Quelle lucidité!Si les socialistes pouvaient vous entendre.
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  • : "L'esprit né de la vérité a plus de puissance que la force des circonstances" Albert SCHWEITZER.
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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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