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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 21:59

François Hollande avait bien compris que la situation économique du pays exigeait la mise en place de politiques de l'offre. Pour peu qu'on soit un peu curieux, on s'aperçoit que, depuis les années 2000, les marges bénéficiaires des entreprises chutent de façon continue, surtout dans l'industrie. Cette situation pénalise les entreprises, lesquelles se trouvent dans la difficulté voire l'impossibilité d'investir convenablement et de fabriquer des produits à très forte valeur ajoutée (montée en gamme) . Par exemple, en 2013, l'industrie française a fait l'acquisition de 3 000 robots seulement pendant que les allemands en ont acquis 17 000 ! Ce différentiel peut servir de référence pour pointer le retard de modernisation de la France.

Le chômage des personnes faiblement qualifiées est un poids : Il représente 14 % pour l'ensemble de la population ; 39 % pour les jeunes. Tout le monde s'accorde pour dire qu'il viendrait du niveau relativement élevé du coût du travail peu qualifié.

Même si j'estime que le gouvernement aurait dû demander un nouveau délai à Bruxelles pour remplir son objectif de stabilité, le bon sens impose qu'on approuve le plan annoncé par Manuel Valls : 40 milliards d'euros de baisse des impôts des entreprises , suppression de toutes les charges sociales au niveau du smic.

Une fois ces mesures annoncées, le gouvernement se doit d'être sincère sur les effets qu'il en attend afin de mieux préparer l'opinion. Dans un contexte économique morose où la crise instaure un climat de colère et de déception, le gouvernement doit simplement faire œuvre de vérité pour rassurer sur les délais de réalisation concrète de ses actions.

En effet, la première difficulté vient des délais d'action de ce type de politique de l'offre. Nous disposons d'exemples historiques permettant de les évaluer : le Royaume-Uni et la France dans les années 1980 ; l'Allemagne (avec l'Agenda 2010 de G. Schröder) dans les années 2000. Dans tous les cas, la baisse du coût du travail n'a entraîné une hausse de l'investissement et de l'emploi que plusieurs années après sa mise en œuvre.

Par exemple, en Allemagne, sur la période 2001-2002, il y a eu la baisse des cotisations sociales des entreprises, la baisse de l'impôt sur les sociétés et la flexibilisation du marché du travail. Les premiers signes du redressement de l'investissement et de l'emploi ont apparu au second semestre 2005 et surtout en 2006, quatre ans après le début de l'application de la politique de l'offre.

Il peut être utile de souligner aussi que l'Allemagne avait bénéficié à cette époque d'exportations en forte progression tirées par une croissance mondiale de 5 % par an, et de la capacité de laisser filer son déficit public, qui a dépassé 4 % du PIB jusqu'en 2005 et n'a été corrigé qu'après.

La seconde difficulté que subit le gouvernement Valls est que, handicapé par un déficit public de 4,3 % du PIB en 2013, il ne peut pas, comme l'Allemagne dans les années 2000, le laisser augmenter. Il faut donc baisser les dépenses publiques pour financer la baisse des impôts. Cinquante milliards d'euros de baisse des dépenses par rapport à la tendance antérieure ont été annoncés, dont vingt et un milliards dès 2012. Il ne faut pas se faire d'illusions : quand on réduit les salaires des fonctionnaires, les retraites, les dépenses de santé, les dépenses des collectivités locales, on réduit instantanément la croissance.

L'effet d'une baisse de 1 point de PIB des dépenses publiques est probablement une baisse de 1 point du PIB. Cela veut dire que les prévisions de croissance (1,7 % en 2015, 2,25 % en 2016 et 2017) et de déficit public (3 % du PIB en 2015, équilibre budgétaire structurel en 2017) du gouvernement seraient difficilement atteignables, d'autant plus que le commerce mondial stagne et que la France ne sera pas tirée par le reste du monde.

Qu'est-ce que le gouvernement devrait alors dire aux Français ?

A nouveau, baisser les impôts des entreprises et les dépenses publiques en France est la seule politique possible pour redresser la profitabilité des entreprises tout en évitant que le déficit public tutoie des niveaux insupportables (presque 7 % du PIB sans la baisse des dépenses).

Mais ce qui précède montre que, très probablement, d'une part les baisses d'impôts n'auront un effet positif sur l'investissement et l'emploi qu'après 3 ou 4 années , d'autre part les baisses des dépenses auront un effet négatif immédiat sur la croissance. Les premières années après la mise en place d'une politique de l'offre sont douloureuses : la croissance ralentit, le chômage continue à augmenter. Il faut l'annoncer aux français, qu'ils sachent que cette période douloureuse de quelques années sera suivie d'un redressement de l'emploi, de l'investissent, de la croissance.

Aujourd'hui, le gouvernement semble dire que la croissance va accélérer fortement entre 2014 et 2015, puis entre 2015 et 2016 : cette prévision serait difficilement atteignable et provoquerait surtout une forte déception et une critique des politiques menées, alors qu'elles sont nécessaires.

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commentaires

M
Très bien ton article. La relève est bel et bien là.
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  • : Le blog de Hervé-Mélaine AGBESSI
  • : "L'esprit né de la vérité a plus de puissance que la force des circonstances" Albert SCHWEITZER.
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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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