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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 10:13

L’Europe semble de plus en plus se fourvoyer et s'engage de façon dramatique  dans une impasse. Pendant les deux dernières décennies, les pays de l'Occident se sont drogués aux dettes  jusqu'à ce que la crise les ramène à la réalité. Depuis lors, s'est enclenché un processus de recherche de la réduction de ces dettes sous le diktat des agences de notation et la pression des marchés. Sommés de toutes parts de réagir, menacés de voir leur « note » faire l'objet d'une dégradation et, avec celle-ci, leur possibilité de rembourser leur dette anéantie, les pays de la zone euro ont entrepris, tous en même temps, de ramener leurs comptes à l'équilibre, principalement au moyen de coupes dans leurs dépenses publiques censées, selon l'idéologie dominante, être plus efficaces que les hausses d'impôts.

Ce comportement moutonnier, qui a ramené au premier plan le consensus de Washington et, avec lui, la politique traditionnelle du FMI, est, à la fois, absurde, inefficace et empreint d'une profonde injustice. Il procède, d'abord, d'une absurdité économique qui le rend profondément inefficace. Il n'est pas besoin de rappeler longuement que les coupes dans les dépenses publiques entraînent automatiquement une chute des recettes publiques qui en réduit fortement l'effet. En outre, ces effets sur l'activité économique, cumulés dans la zone euro et démultipliés en raison de leurs conséquences sur les échanges intra-zone, risquent de conduire à la dépression. Les politiques ne peuvent de tout de même pas l’ignorer !

Ensuite, ce comportement est empreint d'une injustice criante, en même temps que d'une grande hypocrisie à l'égard des populations concernées. Il suffit de citer le cas de l'Espagne. La situation d'une grande partie de sa population, telle que la décrivent de nombreux observateurs, est, en effet, aujourd'hui tragique et indigne d'un grand pays de l'Europe, avec des taux de chômage records et une aggravation inquiétante de la pauvreté qui oblige un nombre croissant d'espagnols à recourir à la soupe populaire. Faut-il accepter que l'on en revienne, ainsi, à des pratiques et à des situations qui rappellent le XIXe siècle pour réduire la dette des pays considérés et qu'il n'y ait pas d'autre solution ? Certainement non.


 Actuellement, la zone euro est dans une impasse. Plus les « politiques d'austérité » se généralisent et s'approfondissent, plus la croissance diminue et l'on plonge vers la récession. A chaque annonce d'une nouvelle « tranche d'austérité », prévaut d'abord le sentiment du devoir accompli en satisfaisant les attentes des marchés et en calmant les agences de notation. Cela dure deux ou trois jours, puis les unes et les autres repartent à l'assaut et stigmatisent d'autres pays. Et ceci n'est pas étonnant, car ces plans d'austérité n'ont rien de rassurant pour des esprits rationnels qui en anticipent les effets dépressifs. On nous rétorquera que tout ceci appelle une reconstruction du monde et, surtout, de son système financier et que cela ne se fera pas en un jour. 

 

Le sommet européen du 09 décembre, censé apporter une lueur d’espoir, n’a pas répondu aux véritables questions que soulève l’endettement des Etats. Ce curieux sommet qui consolide le leadership d’Angela Merkel, divise tout en créant de nouveaux et incertains équilibres politiques. Pourtant des pistes existent. Celles-ci ne demandent qu’à être suivies :

-         Il suffit d'accroître considérablement les possibilités de rachat de la dette de la zone euro par les institutions européennes, ce qui permettrait, en diminuant drastiquement la pression qui s'exerce sur les différents pays de la zone, d'éteindre l'incendie et  in fine de mettre les pays endettés à l’abri des forces obscures et spéculatives. Sinon c’est la sempiternelle course à l’austérité et cela n’augure rien de bon. Comme l’a souligné Martin Wolf, dans Le Monde Economie du 15 novembre, « c'est la brutale austérité des années 1930-1932 qui amena Adolf Hitler au pouvoir, et non l'hyperinflation ».

-         En second lieu, il s'agit de remettre à leur place les agences de notation, réguler les pratiques techniques des marchés et séparer les activités des banques. La première mesure devrait avoir, notamment, pour objet d’encadrer le droit accordé de façon irresponsable à ces agences de noter les Etats. A cet égard, on ne peut que déplorer que le projet de la Commission européenne ait été vidé de l'essentiel de sa substance.

-         En troisième lieu, il convient de revoir complètement les politiques dites d'austérité, en cessant de les axer entièrement sur les dépenses publiques et de les faire peser sur les classes moyennes et les plus pauvres, donc sur la demande, selon deux directions :

  • en les axant davantage sur l'imposition des plus riches, à l'instar de ce qu'avait fait Franklin Roosevelt au cours des années 1930 ;
  • en les accompagnant par des politiques de soutien de l'activité économique de type New Deal pour éviter les effondrements des économies, par exemple, grâce à l'utilisation des « eurobonds » pour leur financement.

Soyons en certains : on ne sauvera pas l'Europe en misant sur la seule austérité.

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  • : Le blog de Hervé-Mélaine AGBESSI
  • : "L'esprit né de la vérité a plus de puissance que la force des circonstances" Albert SCHWEITZER.
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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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