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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 01:12

Le chef de l'Etat, le gouvernement mais aussi Alain Juppé et Michel Rocard vont devoir faire un gros travail de communication s'ils veulent convaincre l'opinion du bien-fondé du grand emprunt, annoncé par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Versailles. On savait déjà les Français réticents à y souscrire ; on sait désormais qu'ils sont une majorité à se défier de cette initiative.

Une telle défiance peut avoir trois raisons différentes : Le souci de l'accroissement de la dette, l'attente déçue d'une relance par la consommation puisque les Français constatent que l'argent sera quand même dépensé mais pour investir. Ou plus simplement une défiance à l'égard de toute initiative économico-sociale de Nicolas Sarkozy. 

Ceci étant, La Cour des comptes a déjà confirmé l'opinion moyenne des prévisionnistes : le déficit des comptes publics voisinera 7 % du PIB à la fin de 2009. Ce chiffre énorme fait frémir. On se dit qu'avec leurs produits pourris, qui ont provoqué la crise, les cupides financiers d'Amérique ont vraiment joué un mauvais tour aux gentils citoyens de notre pays et du monde. Ces derniers vivaient tranquillement d'amour, d'eau fraîche, de consommation raisonnable et d'épargne de bons pères de famille quand un lugubre western financier leur est tombé sur la tête. Bref, tout le contraire de ces Américains irresponsables, vivant à crédit sur le dos du monde, du monde chinois en particulier, et qui n'ont que ce qu'ils méritent.

Ce schéma est agréable pour l'ego national français, à ceci près qu'il est faux. Car la glissade comptable n'a pas consisté à passer de 0 à 3,5 % de déficit mais de 3,5 % à 7 %, ce qui change considérablement l'éclairage du problème. Les 3,5 points supplémentaires de déficit accumulés depuis un an peuvent, en effet, être regardés avec des lunettes keynésiennes comme une compensation pertinente du recul de la demande provoqué par la crise. La demande publique viendrait au secours d'une défaillance passagère de la demande privée en vue de rétablir à terme l'équilibre. Scénario un peu simpliste mais bien référencé et qui, à hauteur de 3 ou 4 points de PIB, ne soulève pas d'inquiétude majeure. Le problème, c'est que ce scénario keynésien s'appuie sur un socle de départ structurellement déficitaire et que le risque d'étouffer l'économie sous la charge de la dette devient considérable.

Autrement dit, le problème français, ce ne sont pas d'abord les 3,5 % d'aujourd'hui mais les 3,5 % d'hier. Car ceux d'hier, la France les traîne depuis près de dix ans et, même par beau temps, les gouvernements successifs ne sont pas parvenus à les résorber. C'est pourquoi le sujet essentiel de demain, ce n'est pas la comédie politique de l'emprunt, c'est la stratégie de réforme. Le Sisyphe du financement des retraites, la réduction annoncée du mille-feuilles administratif des collectivités territoriales, la  véritable réforme de la carte hospitalière (non celle mal ficelée de Bachelot !) sont les véritables rendez-vous de l'économie française. Les déficits structurels ne seront vaincus que sur ces terrains-là et l'autre moitié du chemin paraîtra alors comme une balade de santé. Dans le cas contraire, la pente à 7 % s'avérera sans doute durablement insurmontable.

Enfin il se pourrait que notre époque perde le sens du temps. Que sa mémoire s'émousse. Que sa probité s'évapore. Pour aboutir à ce paradoxe : elle multiplie d'autant plus inconsidérément les dettes qu'elle ne sait plus réellement de quoi il retourne. Certains paieront, d’autres n'y seront plus, d'ailleurs s'agira-t-il vraiment de payer ? A la confusion des sentiments et à la confusion des idées vient s'ajouter la confusion des générations : les enfants à naître prêtent à leurs ancêtres de quoi vivre ce soir, mais ce sont les descendants qui rembourseront. Ainsi, après avoir emprunté aux humains à venir la seule planète qui les attend, on leur fait les poches... avant même qu'ils en possèdent ! Certes, ils n'ont pas voix au chapitre, pas les moyens de se défendre, pas les moyens de dire non. Mais nous ?

 

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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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