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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 19:48

La suppression du juge d'instruction annoncée par Nicolas Sarkozy continue de susciter  de vives critiques et de nombreuses interrogations chez les magistrats qui dénoncent le flou et l’inopportunité  du dispositif décrit par le chef de l'Etat.

Ce qui fait débat : le juge d'instruction, magistrat indépendant, va disparaître au profit d'un « juge de l'instruction », qui se bornera désormais à contrôler le bon déroulement de l'enquête.

Cette réforme a été annoncée par Nicolas Sarkozy alors même que les conclusions de la commission installée à la mi-octobre pour plancher sur une refonte du système pénal ne sont pas encore connues. La précipitation n’est guère synonyme d’action !

Si on suit l’esprit de la réforme annoncée, on s’aperçoit malheureusement qu’il s’agit d’une régression démocratique flagrante.  D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme considère, dans une de ses décisions, que « le procureur n'est pas une autorité judiciaire » car « il lui manque l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif ».

L’idée même de transférer des pouvoirs qui appartiennent à un juge indépendant à un autre magistrat, du parquet, qui ne l'est pas, représente une atteinte grave aux libertés publiques.

Actuellement le juge d'instruction n'intervient que dans très peu d’affaires judiciaires. Mais cela représente tous les dossiers les plus compliqués et les plus graves en matière de crimes et d'affaires correctionnelles. C'est parce qu'il est indépendant et qu'il n'a de compte à rendre à personne qu'il est saisi de ces affaires. Il est une garantie et un atout  pour les citoyens. Si on transfère cette compétence au parquet, il y aura maldonne  car ce dernier est complètement dépendant du pouvoir politique, par sa nomination et par sa structure hiérarchique. Autrement dit, à l’avenir, les mêmes affaires devront être traitées par quelqu'un qui sera sous la mainmise directe des hommes politiques en place. C’est un recul démocratique inouï !

Avec un tel système, finies les enquêtes sur des affaires politico-financières, ou de santé publique, ou sur toute autre affaire où des politiques pourraient se voir mis en examen. On peut également se poser  la question de l'action publique : Si on supprime les juges d'instruction,  vers qui les parties civiles pourront-elles se tourner pour que l'enquête puisse être menée si le parquet refuse de se saisir.

On a fait grand cas de l'affaire d'Outreau pour justifier une telle réforme. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt. Le post-Outreau est un argument irrecevable en la matière d’'autant, semble-t-il,  que depuis, des rectifications ont été faites. Ainsi, des pôles de l'instruction ont été créés depuis 9 mois et début 2010, on devrait assister à la collégialité de l'instruction. On n'a même pas encore tiré les conclusions de tous ces dispositifs  que Nicolas Sarkozy et Rachida Dati décident de tout casser.

L’idée de supprimer le juge d’instruction n’est pas nouvelle puisqu’en 1988 on en parlait déjà. Mireille Delmas-Marty, pénaliste et Professeur au collège de France qui avait mené d'importants travaux sur cette question, avait mis l'indépendance du parquet comme corollaire à la suppression du juge.

Il semble évident que la droite veut se  payer le juge d'instruction parce qu'il a dans les années 80-90  fait preuve  d’activisme et de détermination pour poursuivre et condamner les hommes politiques et un certain nombre de grands patrons, comme il le faisait avec n’importe quel quidam. Nicolas Sarkozy voulant lui porter définitivement l’estocade prend Outreau pour prétexte. Quelle hypocrisie !!

Visiblement, on cherche à rayer complètement  de la carte le troisième pouvoir, au profit de l'exécutif. C'est scandaleux !

Pour pallier la disparition du juge d'instruction, il est envisagé que les enquêtes judiciaires soient confiées au parquet, sous le contrôle d'un magistrat du siège, appelé « juge de l'instruction ». C'est un leurre ! Le contrôle du parquet ne pourra être que formel. L'intérêt du juge d'instruction, c'est qu'il assure le suivi d'un dossier dans la continuité. Le juge « de l'instruction » n'interviendra que de manière ponctuelle, pour autoriser une perquisition, une écoute téléphonique, ordonner ou pas une expertise. Submergé par un  nombre  impressionnant de dossiers, il se contentera juste d'apposer son paraphe sur ce qu'on lui demandera de signer. Ce n’est pas sérieux !

 Le parquet en France, sauf nouvelle réforme de la Constitution, n'est pas indépendant. Il est nommé par le pouvoir politique. Tout ce qui pourrait être proposé dans le contexte actuel, avec le pouvoir actuel, serait un marché de dupe.

Enfin, force est de constater que Nicolas Sarkozy commence l’année 2009 avec les mêmes erreurs : C’est une erreur de vouloir faire nommer le président de France Télévisions par l'Elysée, une erreur de vouloir supprimer le juge d'instruction sans la contrepartie d'une indépendance du parquet. Et ce serait une erreur de réduire le pouvoir d'amendement des textes de loi par les parlementaires.

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  • Hervé-Mélaine AGBESSI
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.
  • Docteur en droit public économique, diplômé de l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Expert en fiscalité internationale.

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