Une fausse note perturbe, malgré tout, les dix ans d’existence de la Banque centrale Européenne (BCE) : la cour d'appel de Versailles a autorisé la poursuite de la procédure civile engagée contre Jean-Claude Trichet (Président de la BCE) dans l'affaire des faux bilans du Crédit lyonnais.
Ceci étant, en dix ans d'existence, la Banque centrale européenne a gagné en respectabilité et en crédibilité auprès des marchés financiers en hissant voire en imposant l'euro comme alternative au dollar, mais sans parvenir à le faire aimer.
En clair, l'euro s'est imposé comme deuxième monnaie de réserve derrière le dollar américain. Gage de confiance, entreprises et Etats émettent davantage d'emprunts obligataires en monnaie européenne et on compte désormais plus d'euros en circulation que de billets verts dans le monde.
Qu’il soit faible (comme en 2000) ou haut par rapport au dollar, l’Euro reste manifestement incompris sinon mal aimé. Une impression largement partagée en Europe revient souvent : « L’euro serait la cause du renchérissement du coût de la vie ». Alors, il a semblé facile pour certains dirigeants de s’en prendre directement à la BCE dont le mandat premier, selon le traité de Maastricht, est de lutter contre l’inflation.
Depuis leur création, l'euro et la BCE sont donc accusés d'être à l'origine de tous les maux des Français. Les industriels reprochent à la BCE sa politique de l'euro fort qui pénalise les exportations. Il ne faut pourtant pas oublier que la monnaie unique joue un rôle de bouclier lors des perturbations financières. De plus, en raison de la politique budgétaire désastreuse de la France au cours des dix dernières années, l'adoption de l'euro aura permis d'échapper à de possibles dévaluations. Rappelons en effet que le déficit budgétaire de l'Hexagone flirte dangereusement avec la limite des 3 % fixée par le Pacte de stabilité.
Dès le début de la crise des subprimes, la BCE a multiplié les actions pour permettre le meilleur fonctionnement possible du marché. En effet, dès le début du mois d'août, la BCE a injecté plus de 150 milliards d'euros en deux jours sur le marché interbancaire. Depuis, elle a régulièrement procédé à des injections de liquidités. Elle a également participé à plusieurs interventions concertées, avec la Fed et la Banque d'Angleterre, afin d'aider les banques à reconstituer leur trésorerie.
Grâce à ces interventions, l’Europe a été plus ou moins protégée des conséquences financières de la crise des subprimes contrairement aux désastres social, économique et financier qu’on a pu observer aux Etats-Unis.
De même, la BCE, une fois de plus, est vivement critiquée pour son refus d'infléchir les taux, propulsant ainsi l'euro à des plus hauts historiques. Cette critique est inopportune et injuste car la BCE ne fait que respecter son mandat, c’est-à-dire, son devoir impérieux de lutter contre l’inflation et non de s’occuper de la conjoncture.
Même si la BCE ne peut pas grand chose contre l’envolée des cours des matières premières, le renchérissement du prix du baril, sa politique monétaire permet, en tous cas en l’état actuel des choses, de circonscrire la hausse des prix ou de les stabiliser.
Selon les chiffres provisoires publiés vendredi 30 mai, le taux d'inflation dans la zone euro a atteint 3,6 % en Mai sur un an, après 3,3 % en avril, près du double de l'objectif que s'est fixé l'institut d'émission.
Comme l’appréciation de l’euro a un fort effet désinflationniste (c’est-à-dire qui réduit ou neutralise l’inflation), la BCE va donc devoir expliquer que le meilleur moyen, sinon le seul que je vois, d'endiguer les pressions inflationnistes dans la zone euro et de protéger le pouvoir d'achat est de laisser la monnaie unique s'apprécier davantage, d'avoir un euro encore et toujours plus fort. Les citoyens européens se montreraient compréhensifs et réceptifs. Excepté, peut-être Nicolas Sarkozy qui, non seulement, a compris l’inanité de sa volonté de remettre en cause l’indépendance de la BCE, mais aussi ferait mieux (pourquoi pas via l’Eurogroupe) de donner une dimension juste à sa politique budgétaire (exemple : suppression du paquet fiscal, démantèlement de certaines niches fiscales…) et une orientation crédible aux réformes structurelles. Ainsi, notre croissance ne serait pas uniquement tributaire de la bonne santé de l’économie allemande.